À l'attaque des neuromythesQuelques neuromythes autour de l'axe "tête"
Rafraichissons-nous un peu la mémoire
Regardons un peu le chemin que nous avons parcouru ensemble sur les neuromythes : nous avons commencé par l'effet Mozart ici, puis dans l'idée de l'approche tête-coeur-corps, nous avons continué en abordant certains neuromythes autour de l'axe corps ici, puis autour de l'axe coeur là.
Nous voilà prêts, pour faire un tour auprès de certaines fausses croyances autour de l'axe tête.
A vous de jouer !
Comme dans les précédents articles, prenons le temps de nous tester pour nous positionner sur un certain nombre d'affirmations sur le cerveau, les apprentissages et les mémoires.
Pour chacune, dire si, selon vous, elle est exacte ou pas.
Affirmations sur les capacités de notre cerveau
1- On est tout à fait capable de faire plusieurs choses en même temps : VRAI ou FAUX ?
2- La plupart des êtres humains n'utilisent que 10 % des capacités de leur cerveau : VRAI ou FAUX ?
3- L'enfant et l'adulte ont plusieurs types d'intelligences : verbo-linguistique, logico-mathématique, visuelle-spatiale, intrapersonnelle, interpersonnelle, corporelle-kinésthésique, musicale-rythmique, naturaliste-écologique : VRAI ou FAUX ?
Affirmations sur notre mémoire
1- Certains ont une bonne mémoire, d'autres non : VRAI ou FAUX ?
2- On muscle sa mémoire en apprenant des poésies : VRAI ou FAUX ?
3- On apprend mieux quand on respecte son style d'apprentissage : VRAI ou FAUX ?
4- Lire et relire une leçon est une méthode efficace pour la retenir à long terme : VRAI ou FAUX ?
Regardons cela d'un peu plus près
- Qu'en est-il des capacités ordinaires ou extraordinaires de notre cerveau ?
Pour apporter des éclaircissements nécessaires, une fois n'est pas coutume, je vais me référer à l'incontournable Eléna Pasquinelli et son superbe livre "Mon cerveau, ce héros" que je vous recommande de lire. Elle y consacre de manière très claire ses deux premiers chapitres, le premier à propos des mythes sur les capacités extraordinaires du cerveau, le deuxième à propos des capacités ordinaires. Eclairant et pédagogique ! Je ne vais pas reprendre sa liste mais m'attarder sur les quatre affirmations citées plus haut.
Bon nombre de neuromythes naissent du fait d'un engouement excessif médiatique (comme nous l'avons vu avec l'effet Mozart), d'intérêts commerciaux (comme pour la Brain Gym), d'une mauvaise lecture d'images ou de textes scientifiques...
Peut-être avez-vous eu le loisir de regader Lucy, l'un des succès de Luc Besson mettant en scène une jeune étudiante de 25 ans, interprétée par Scarlett Johansson. Ce film relance une croyance qu'Einstein avait entretenue en soutenant ne pas utiliser lui-même plus de 10 % de son cerveau. En effet, dans sa science-fiction, Luc Besson part de ce postulat des 10 % pour décrire ce qui arrive à Lucy dès lors qu'on lui injecte de quoi décupler ses capacités cérébrales. Pourtant, toutes les techniques d'imagerie cérébrale permettent désormais de mettre les choses au clair sur ce point : nous utilisons l'intégralité de notre cerveau. Ironie du sort : la médiatisation de ces techniques et de leurs résultats nourissent invonlotairement ce mythe des 10 % avec des images du cerveau ne montrant que les parties activées dans tel processus étudié.
Si ce mythe des 10 % est encore tenace, un autre a tendance à s'éteindre : celui des périodes sensibles. La popularisation de la plasticité cérébrale, processus qui se poursuit toute la vie, permet entre autres de remettre en question que tout se joue avant 3, 6 ou 9 ans. Bien que des politiques commerciales ont beaucoup à gagner à alimenter cette croyance pour promouvoir leur mobiles intelligents, tapis multisensoriels ou tout autre produit de sursollicitation à destination de nos jeunes enfants, restons zen et confiants, non, tout ne se joue pas avant 3 ans.
Quant aux intelligences multiples introduites par Howard Gardner, elles n'ont pas plus de validité scientifique que les précédentes croyances. Ce psychologue du développement de l'Université d'Harvard a voulu casser le paradigme de l'intelligence unique mais pour élaborer sa théorie, il a pris quelques légèretés avec les règles scientifiques qui ne permettent pas de valider ces 8 intelligences multiples.
Pour finir aujourd'hui sur nos capacités cérébrales, venons-en à l'affirmation du multi-tâche. C'est une de mes affirmations préférées à tel point que nous y reviendrons dans un prochain article. Mais au lieu de vous dire moi-même s'il s'agit d'une fausse croyance ou pas, je vais vous laisser le découvrir vous-même en vous invitant à regarder cette courte vidéo d'1'21'' ici. Convaincu-e-s ?
- Qu'en est-il de notre mémoire... à moins que ce ne soit nos mémoires ?
"J'ai la mémoire qui flanche, je m'souviens plus très bien..." chantait Jeanne Moreau. Scientifiquement parlant, il est incorrect de dire que telle ou telle personne a une bonne mémoire ou pas, tout simplement parce qu'il n'existe pas une seule mémoire mais plusieurs systèmes de mémoires avec des spécifités pour chacun. Par exemple, pour lire un texte, nous mobilisons : notre mémoire sensorielle (pour voir les mots), notre mémoire procédurale (pour lire ces mots), notre mémoire sémantique (pour comprendre les mots) et notre mémoire épisodique (pour faire le lien avec des souvenirs).
Pour rendre nos apprentissages efficaces, nous allons chercher à améliorer notre mémorisation. Les stratégies sont nombreuses pour cela mais par toujours efficaces. Rappelons que le cerveau n'est pas un muscle. Les mémoires pas davantage. Inutile pour la figure de style de chercher à les muscler et encore moins avec des poésies ! Pas la peine donc d'apprendre et apprendre des poésies pour devenir un champion de la mémoire, vous n'y arriverez pas... néanmoins vous pouvez continuer pour le plaisir de savourer de belles rimes.
Peut-être vous dites-vous alors que ce serait plus facile de mémoriser si vous respectez votre style d'apprentissage, c'est-à-dire en privilégieant la lecture si vous êtes visuel-le, l'écoute si vous êtes auditif-ve, les manipulations si vous êtes kinesthésique. C'est un conseil en effet très courant et répandu mais qui n'a jamais su obtenir la moindre validation scientifique. Au contraire, plus on va varier les méthodes et mixer du visuel avec de l'auditif et du kinesthésique, plus la mémorisation sera effective sur le long terme.
Bon, comme vous ne lâchez rien, vous vous dites alors qu'en relisant et relisant les leçons, vous y arriverez mieux ? Et non, toujours pas. Cette stratégie est elle aussi usuelle mais sans effet significatif durable. Des chercheurs ont mené une étude auprès de 3 groupes qui devaient chacun mémoriser 50 mots. Sur une même durée de travail, le premier groupe devait lire 8 fois la liste de mots ; le deuxième groupe devait la lire 6 fois et se tester 2 fois dessus ; le troisième groupe devait la lire seulement 4 fois et se tester 4 fois. Deux jours plus tard, tous les participants devaient réciter le maximum de mots retenus. Les résultats sont sans appel. Le premier groupe qui n'a fait que lire a obtenu les plus mauvais résultats (17% de mots retenus seulement), le troisième groupe qui a le moins lu et qui s'est aussi le plus testé a été le plus performant avec 39 % de mots mémorisés. Inutile de lire et relire une leçon. Mieux vaut se questionner dessus.
Ah la mémorisation ! un sujet tellement passionnant et en même tellement en prise avec de fausses croyances. Avec toute notre bonne volonté, nous en arrivons parfois à en perdre notre motivation et notre confiance en nous, simplement parce que nous nous épuisons à suivre des stratégies inefficaces. Nous venons de faire un peu de ménage ici et de donner quelques pistes valides. Mais, le sujet des mémoires mérite qu'on y revienne plus longuement. Affaire à suivre !
Envie d'aller plus loin
- Lire "Mon cerveau, ce héros. Mythes et réalité", Manifeste Le Pommier, d'Eléna Pasquinelli, une chercheuse reconnue qui sait si simplement et si fluidement nous expliquer ici les mythes sur les capacités ordinaires ou extraordinaires du cerveau.
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