À l'attaque des neuromythesQuelques neuromythes autour de l'axe "corps"
Mozart et compagnie
Apprendre. Qu'est-ce donc apprendre ? Comment apprendre ? Qui n'a jamais entendu dans sa vie qu'il fallait apprendre ses leçons ? Mais nous a-t-on expliqué comment faire ?
Hélas ! souvent avec de bonnes intentions, nos parents, nos enseignants ont essayé de nous transmettre des méthodes, qui s'avèrent souvent être basées sur des croyances bien loin d'être validées par les experts en neurosciences cognitives. Vous vous souvenez par exemple de l'effet Mozart que nous avons évoqué ici, et qui nous a permis d'introduire les neuromythes. Et bien, sachez que Mozart a plein de copains !
En psycho-pédagogie positive, l'approche tête-coeur-corps n'est pas une méthode mais une façon d'aborder les apprentissages qui prend en compte trois aspects : le cognitif, l'émotionnel et le physique. Les neuromythes n'épargnent aucun de ses aspects. Dans cet article, nous allons nous pencher plus spécifiquement sur ceux qui concernent le "corps".
Quels sont nos besoins physiques fondamentaux pour bien apprendre ?
Pour bien fonctionner, notre cerveau a besoin en premier lieu que nos besoins physiques (l'axe corps) soient satisfaits.
Dans "Enseigner aux élèves comment apprendre", Grégoire Borst, Emilie Decrombecque et Jérôme Hubert récapitulent parfaitement ces trois besoins physiques fondamentaux :
- une alimentation saine et équilibrée
- une activité physique régulière
- un sommeil suffisant et de bonne qualité
Ils rajoutent un quatrième besoin d'ordre social qui consiste à entretenir des liens de qualité avec les personnes de notre entourage.
Dans l'éducation, de nombreuses croyances pour favoriser nos apprentissages circulent, y compris autour de ce qui concerne nos besoins physiques. Vous ne me croyez pas ? Alors regardons de plus près.
A vous de jouer !
Ci-dessous, une série d'affirmations vous est proposée.
Positionnez-vous pour dire si, selon vous, chacune d'elle est exacte ou pas. Grosso modo, vérifiez si vous êtes tombés dans les mailles des filets des neuromythes ou pas. Curieux-ses de le savoir ?
À vos marques ? Prêt-e-s ? Partez !
Affirmations autour de l'alimentation :
1- Boire de l'eau rend notre cerveau plus efficace dans les apprentissages : VRAI ou FAUX ?
2- Consommer moins de boissons sucrées a un effet sur l'intelligence : VRAI ou FAUX ?
3- Manger des noix nous rend plus intelligent : VRAI ou FAUX ?
Affirmations autour de l'activité physique :
1- L'activité physique fatigue notre cerveau et le rend moins efficace pour les apprentissages : VRAI ou FAUX ?
2- La Brain Gym permet d'améliorer les apprentissages et l'attention : VRAI ou FAUX ?
3- La pratique du yoga permet d'améliorer les fonctions exécutives : VRAI ou FAUX ?
Affirmations autour du sommeil :
1- Comme nos muscles, notre cerveau est inactif lorsqu'on dort : VRAI ou FAUX ?
2- Pour mémoriser une leçon, il est utile de l'enregistrer et de l'écouter en dormant : VRAI ou FAUX ?
3- Une des caractéristiques de la crise d'adolescence, c'est leur caprice à rester tard au lit le matin : VRAI ou FAUX ?
Bravo pour vos efforts à réaliser ce test. D'abord, parce que s'engager, se tester et se corriger sont trois étapes nécessaires pour apprendre. Si vous avez coché la bonne réponse, parfait, la fausse croyance ne vous a pas touché-e. Si vous vous êtes trompé-e, parfait, vous allez pouvoir vous corriger et ajuster vos apprentissages !
Regardons cela d'un peu plus près
- Premier besoin physique : une alimentation saine et équilibrée
Le cerveau est un gros consommateur de glucose et d'oxygène. Alors qu'il représente entre 2 à 5 % de notre masse corporelle, il consomme 20 % de notre oxygène et 80 % de glucose. Il a besoin de nutriments pour se développer et fonctionner. Le petit-déjeuner, pourtant si souvent négligé, est essentiel dans cet apport. Pour être complet, il doit se composer de fruits, de produits laitiers, de céréales, d'une boisson. Une bonne alimentation a des effets positifs sur notre cerveau et nous offre des conditions favorables pour réussir nos apprentissages.
Ceci étant dit, les fameuses "bonnes pratiques" comme boire plus d'eau, consommer moins de boissons sucrées ou manger des noix n'ont pas d'effet sur nos performances académiques. Certes, tout cela est bon à suivre pour nous maintenir en bonne santé physique mais à ce jour, il n'existe aucune preuve scientifique que cela a des effets sur l'intelligence (en tous cas pas davantage qu'un placebo).
- Deuxième besoin physique : une activité physique régulière
Avant de pousuivre, soulignons que le cerveau n'est pas un muscle.
Une étude de 2015 par Dupuy et al. montre, que bien loin de fatiguer le cerveau, une activité physique régulière améliore les fonctions exécutives et apporte davantage d'oxygène dans le cortex préfrontal, partie du cerveau mobilisée pour réfléchir et raisonner.
Plus récemment, la note n°6 (février 2022) à du Conseil Scientifique de l'Education Nationale souligne "l'effet bénéfique de l'activité physique sur les fonctions cognitives qui, à leur tour, amélioreraient les résultats scolaires des élèves" et ces "effets bénéfiques concernent en particulier le domaine des mathématiques". Les auteurs recommandent d'ailleurs "qu'à l'école, les élèves participent à un minimum de 30 minutes d'activité physique adaptée et structurée 3 jours par semaine".
Qu'en est-il de la Brain Gym, communément appelée la "gymnastique du cerveau" ? Aïe aïe aïe. Bien qu'elle remporte un franc succès dans près de 80 pays, c'est là, un des neuromythes bien ancrés dans l'éducation. Il résiste malgré les campagnes de scientifiques cherchant à limiter la diffusion de la Brain Gym ; le commercial a hélas ! pris le pas sur le pédagogique et le scientifique. Cette méthode est censée améliorer les apprentissages et remédier à des troubles nés soit-disant de déséquilibres entre les deux hémisphères (droite/gauche) mais aussi entre les parties postérieures et antérieures, inférieures et supérieures. Le fondateur affirme que les mouvements proposés sont "neuroscientifiquement fondés", alors qu'il en est tout autre. Le trop peu d'études respectant le cadre scientifique n'ont pas montré un effet positif sur les apprentissages. Bref, la pratique de la Brain Gym n'est certainement pas mauvaise pour notre bien-être physique mais n'a pas d'impact significatif sur les apprentissages.
Des études sur le yoga, ont quant à elles, montré des effets sur le développement des fonctions exécutives (contrôle inhibiteur, flexibilité cognitive et mémoire de travail). Nous reviendrons dessus dans un prochain article.
- Troisième besoin physique : un sommeil suffisant et de qualité
Longtemps perçu comme un phénomène passif, le sommeil apparait aujourd'hui comme une véritable activité du cerveau. Car oui, mesdames et messieurs, notre cerveau travaille 24h / 24 !
Mais attention, il ne travaille pas n'importe comment ! Et non, il ne suffit pas de lui faire écouter un enregistrement de notre leçon pour qu'il la mémorise pendant notre roupillon. Jérôme Hubert nous explique ce drôle de neuromythe en 5'43'' d'une capsule vidéo de sa chaine Youtube Cerveau Mode d'Emploi que je vous recommande.
Dormir est indispensable au développement et à la maturité cérébrale ainsi qu'à la réduction du vieillissement du cerveau. Le sommeil participe à la consolidation de la mémoire et permet au cerveau de se nettoyer des déchets et toxines accumulés au cours de la journée. Il contribue à l’apprentissage et à la gestion des émotions. Par exemple, un sentiment négatif peut être mémorisé puis expurgé durant la nuit.
Pour que tous ces bienfaits soient effectifs, il est recommandé de dormir entre 9h et 12h pour les enfants de 6 à 12 ans, entre 8h et 10h pour les adolescents de 13 à 18 ans. D'ailleurs, sachez que non non non, nos chers adolescents ne font pas de caprice avec leurs grasses matinées crapuleuses. Pendant l'adolescence, l'endormissement est biologiquement retardé et le sommeil par conséquent décalé.
Voià, maintenant que nous avons fait un peu de tri dans quelques neuromythes concernant l'axe corps, nous allons pouvoir passer à l'attaque de ceux ciblant l'axe coeur. Mais cela, nous le verrons dans un prochain épisode.
En attendant, mangez, bougez, dormez à votre bon gré... tout en restant mesuré !
Envie d'aller plus loin
- Lire "Mon cerveau, ce héros. Mythes et réalité", Manifeste Le Pommier, d'Eléna Pasquinelli, une chercheuse reconnue qui sait si simplement et si fluidement nous expliquer ici les mythes sur les capacités ordinaires ou extraordinaires du cerveau.
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